de la retenue
par jeansarocchi
DE LA RETENUE, S’IL VOUS PLAIT
Monsieur Wauquiez s’est enhardi à dire, l’autre matin, après le joli coup perpétré par une « chance pour la France » au marché de Noël de Strasbourg :
« Combien d’attentats commis par des fichés S devons-nous encore subir avant d’adapter notre droit à la lutte contre le terrorisme ? »
Cette incongruité lui a valu, de la part d’un imbécile dont le Dieu de miséricorde m’a fait la grâce de ne pas retenir le nom, une remarque rogue, rigoureuse, rectrice : il aura manqué de retenue.
Ce mot me semble avoir une infinie portée symbolique. (On aime beaucoup les symboles dans notre France en pâmoison). Souhaiter que soient … mis hors d’état de nuire ? expulsés ? exécutés ? …des individus dont le plus cher désir est d’abattre du français de souche (« sous-chien »), du blanc, du juif, du chrétien ou du musulman non fanatisé, eh bien un tel souhait ne doit pas franchir la barrière de nos dents.
Manque de retenue ! Retenue est ici une litote pour : censure. La vérité, c’est qu’on ne censure pas assez en France. Que Cherif Chekatt ait mis à mal une douzaine de personnes, c’est un fâcheux incident qu’il aurait fallu taire. Voilà la vérité ! On en sait trop, toujours trop, et d’abord le nom de ce pieux massacreur.
On me dira qu’il aurait pu, lui, d’abord, se retenir. Ah ! N’en demandez pas trop à un zélote d’Allah !
Manque de retenue : on a eu tort de divulguer les attentats de Toulouse, de Nice, de Paris. Ne serait-ce que pour éviter le risque de stigmatiser l’islam.
La retenue à la source, voilà la solution.
Le vrai problème n’est pas d’empêcher les attentats mais d’empêcher qu’on en parle, pas d’éliminer les « fichés S » mais d’éliminer toute incivilité à leur endroit.
Madame Nyssen, dont le passage au ministère de la culture a été trop bref, allait dans ce sens : « changer les mentalités ».
Oui, c’est dégoûtant cette mentalité française obsessionnelle, ces réactions indignées, ce vœu itératif que le pays soit nettoyé de …
Si proscrire absolument l’information est difficile, on devrait au moins la réduire, la replier sur les minima (je cite un grand écrivain).
Et puis (à cet exercice sont rompus nos gouvernants) pleurnicher, trémolos, mélismes compassionnels. Le don des armes, c’est pour les « fichés S » (quel jargon, grands dieux !), pour nous, « soumis », le don des larmes. Celles-ci, ne les retenons pas.