(rhapsodie sur un thème cévenol)
« /…/ la présence autour de nous, jadis ou naguère encore, d’une terre différenciée en espèces, harmonieuse dans ses fonctions, et si belle, d’une façon qu’on pouvait croire augurale – se fragmente, hélas, se salit, s’embourbe, se fait un marécage fétide où bientôt nous chercherons vainement, dans d’interminables banlieues, l’irremplaçable évidence qu’est le ruisseau qui va librement son cours, ou l’infini du pré, ou le bruissement du feuillage » (Yves Bonnefoy)
Avant-dire
Ça m’est Aigoual : l’Aigoual est l’Aigoual, on n’y changera rien ; m’ doit être pris en deux, ça en plusieurs acceptions. Ça, c’est d’abord André Chamson, il m’est Aigoual, je fais le choix de l’aborder par sa sainte montagne, sachant que l’abordant ainsi j’aurais quelque chance d’atteindre le vrai lieu de son être au monde, le point focal de ses réflexions et le pôle symbolique de sa destinée. Je peux ainsi écrire (pour moi) avec une certitude quasi mathématique : Chamson = Aigoual. Puis, m’ devenant André Chamson, ça désigne tout ce qui aura compté pour lui au fil de son existence et au gré de ses expériences, toujours rapportées à ce Mont Analogue ; ça, ce sera donc l’image ou plutôt la réserve de ses images privilégiées, une écriture à flanc de Cévennes, en Aire de Côte, musclée par la rude réalité de l’escapade ; ça désigne aussi la polarité politique ou mystique, l’une et l’autre coalisées, coalescentes : le fondateur de l’éphémère revue Vendredi sous le Front populaire, le résistant dans un maquis du Lot sous l’Occupation, je veux croire que c’est d’avoir mainte et mainte fois escaladé et dévalé l’Aigoual qui l’anime si ardemment dans ces diverses circonstances ; et c’est sans le moindre doute l’Aigoual qui est sa référence quand il s’agit pour lui d’opposer à un catholicisme monarchique totalitaire la foi locale, insubordonnée, intransigeante, allergique au Dogme romain, des camisards dont il épouse la cause même si elle n’est pas exactement la sienne dans ses essais et ses romans.