Au Grand Meaulnes (roman) les grands remèdes, « au grand Meaulnes » (héros) « les grands remèdes », je veux bien pour ce titre, cette insinuation désinvoltes implorer le pardon du lecteur. J’aurais cependant des motifs ou mobiles à faire valoir, et ce sera la moelle d’une partie de mon propos. Ceci d’abord, qui est le plus futile mais frappé d’une forte incidence : Rémi Soulié, grand manager de ces rencontres estivales en Lagast, me pria de lui indiquer aussi tôt que possible le sujet de ma communication. Aussitôt, dans ma langue qui n’est pas celle de la procrastination, ce fut tout de suite. Et comme je suis affecté de ce vice de l’esprit qu’on nomme calembour, fiente de l’esprit qui vole disait Hugo (c’est quelquefois la fiente sans le vol de l’esprit), vice dont Le Canard enchaîné fait son fond de commerce (si bien que j’aurais pu être recruté, eussé-je donné les gages suffisants de pensée correcte, parmi les collaborateurs de cet hebdomadaire), insoucieux du charme tout musical du nom Meaulnes (qui ferait au « pollen des aulnes » de René Char la plus riche des rimes), excité par la locution qu’il formait avec l’épithète « grand », je me saisis avec autant d’empressement que d’aveuglement du dicton susdit.
« Ma vocation », disait Thérèse de Lisieux, « enfin je l’ai trouvée /…/ Oui, j’ai trouvé une place au sein de l’Eglise : dans le cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’amour ». J’ai eu beaucoup de mal à trouver ma vocation dans l’Alma Mater. A vrai dire je ne l’ai trouvée qu’à la sortie. Seule la condition de professeur émérite, désormais honoraire ( ?), m’a permis d’entrer dans la vérité de mon rapport à la littérature, qui n’est pour moi nullement un absolu, rien qu’un divertissement, le dernier mot sur tous sujets tous textes tous auteurs étant l’éclat de rire. S’agissant du Grand Meaulnes, comme d’ailleurs d’à peu près n’importe quel roman, l’admirable vœu de sainte Thérèse me sembla pouvoir être pastiché et inversé : dans Le Grand Meaulnes (roman) je laisserais le héros et l’amour, au bénéfice d’un autre amour, celui des choses humbles et quotidiennes, du terroir, de la terre ; je choisirais l’anti-héros, le narrateur (François), et je tâcherais de l’arracher à sa fascination pour le rapatrier dans la dure vérité de la vie sans « aventures ». Augustin ou comment s’en débarrasser : ç’aurait été, par référence au fameux « Augustin ou le maître est là » de Malègue, une façon chrétienne, sans doute obsolète, d’exorciser le roman. Augustin Meaulnes, serait-ce dans une chrétienté en passe de disparaître le seul Augustin, à l’usage des teenagers, que nous méritions ?
… « Il ferait volontiers du roman un débris
Et dans un bâillement avalerait le Meaulnes »…